ALERTE : faux escaliers de compagnons, suite…
Durant les années 2009-2010, j’ai signalé à de nombreuses reprises sur mon blog les tentatives d’arnaques de certains brocanteurs et antiquaires, essayant de faire passer des escaliers miniatures produits en petites séries dans les pays asiatiques pour d’anciens « chefs-d’œuvre de compagnons » ou encore pour des « escaliers de maîtrise » (histoire de ne pas trop s’avancer avec l’emploi du mot compagnon). Je ne suis pas peu fier d’avoir ainsi contribué à lutter contre ce fléau.
Le problème est que nombre de ces soi-disants chefs-d’œuvre avaient trouvé des acquéreurs, sincères mais naïfs, et qu’aujourd’hui, à l’occasion de successions ou de dispersions de collections, ces pièces « exceptionnelles » refont surface dans d’honorables ventes aux enchères. C’est ainsi que je suis intervenu il y a quelques jours auprès d’un commissaire-priseur et d’un expert pour une vente maçonnique qui se déroulera en live à Drouot dans quelques jours, afin de lui signaler le cas d’un semblable escalier (n° 1 sur la photo de groupe ci-dessous). Le lot n’a cependant pas été retiré de la vente, mais au moins sa notice précise-t-elle maintenant qu’il s’agit non pas d’un « chef-d’œuvre de compagnon du Devoir », comme indiqué à l’origine, mais d’un « escalier en bois vernis, à la façon d’un chef d’œuvre de compagnon du devoir » (pourquoi pas d’ailleurs du Devoir de Liberté ?).
Dans tous les cas, si l’on admet un instant pour la démonstration que cet objet est réellement ancien et en rapport avec le compagnonnage, ce devait être un « compagnon » hyper-actif… car il réalisa son « chef-d’œuvre » en plusieurs exemplaires !
Les trois « frères »…
Voici le frère jumeau de cet escalier (n° 3 sur la photo de groupe), avec la même plaque gravée « F.B. » (Face Book ?) et datée 1876, déjà vendu aux enchères pour un prix délirant (1500 euros) en 2017 :
https://www.debaecque.fr/en/lot/80701/6726519?search=escalier&sort=num&
Et voici son faux-frère jumeau (n° 2 sur la photo de groupe), sans la plaque, encore vendu à un prix totalement délirant (4550 euros !) aux enchères en 2016 :
https://www.artcurial.com/fr/lot-escalier-de-maitrise-fin-du-xixe-siecle-2924-63
La juxtaposition des photographies des trois pièces ne laisse en réalité aucun doute quant au fait qu’il s’agit d’une production en série. L’examen attentif des pièces montrera que la qualité des assemblages et des détails est très différente de celle des véritables chefs-d’œuvre de compagnons menuisiers ou charpentiers, qu’ils soient du Devoir ou du Devoir de Liberté.
J’espère qu’au moment de la vente, le commissaire-priseur préviendra explicitement les acquéreurs potentiels qu’il ne s’agit donc que d’un objet de décoration et que la date de 1876, portée sur une plaque de laiton, n’est certainement pas celle de sa réalisation.
Comments are closed