Ce texte est extrait d’une conférence prononcée en mai 1999. Destiné à un public composé de plusieurs nationalités européennes et mêlant profanes et amateurs d’histoire, il m’a semblé fournir une bonne introduction générale au sujet. 

Il est une question que l’on se pose quelquefois devant tous ces monuments que nous avons hérités des siècles passés : qui étaient leurs bâtisseurs ? Je n’entends pas parler ici des commanditaires – rois, princes et puissants – mais des artisans qui les ont édifiés.

Si les archives nous apprennent quelquefois le montant de leurs salaires et, plus rarement, leurs noms, elles sont généralement muettes en ce qui concerne leur vie, leur personnalité, leur organisation. Trop souvent, les historiens contemporains en sont réduits à faire de simples suppositions pour ce qui est de leur formation professionnelle, de l’étendue exacte de leurs connaissances, tant sur le plan technologique que sur le plan culturel en général. Même si nous n’en sommes plus aujourd’hui à considérer le Moyen Âge comme une époque obscure et barbare, l’on se complaît encore trop à imaginer la culture comme étant alors réservée à une élite de moines et de nobles. L’absurdité de cette conception devient évidente si on la confronte aux extraordinaires réalisations que sont, par exemple, les cathédrales gothiques. Comment imaginer un seul instant qu’il s’agit là du résultat du travail d’artisans incultes ? Pendant longtemps, l’on a cru résoudre ce problème en transposant sur ces époques le modèle qui est le nôtre aujourd’hui : la conception et la direction de ces chantiers auraient été le fait de quelques individus éclairés, issus du clergé ou de la noblesse, et leur réalisation celui d’une main-d’œuvre plus ou moins qualifiée mais inculte, un peu comme nos émigrés. Mais cette hypothèse ne résiste pas à l’examen des rares documents qui subsistent : les architectes de ces époques sont généralement des tailleurs de pierre ou des charpentiers ; leur salaire est souvent à peine supérieur à celui des autres ouvriers qualifiés.

En fait, à défaut de posséder suffisamment de documents pour éclaircir cette question durant le Moyen Âge, il existe, pour les époques un peu plus récentes, un moyen de mieux comprendre le sujet. Je veux parler ici de l’étude des compagnonnages, un type d’organisation du métier qui existe aussi bien en France que dans tous les territoires de l’ancien Saint Empire Romain Germanique, et dont on a également trace dans d’autres pays d’Europe, notamment dans les Îles Britanniques.

Le sujet étant très vaste et, surtout, très complexe, je me limiterai ici à vous donner quelques aperçus sur les compagnonnages de tailleurs de pierre.

Il n’est pas inutile de commencer par définir grosso modo ce qu’est un compagnonnage, même s’il apparaît que cette définition est en réalité difficile et susceptible de nombreuses variantes. J’en resterai donc à un plan très général, qui soit valable aussi bien pour les tailleurs de pierre que pour les autres métiers, aussi bien pour la France que pour le reste de l’Europe.

Les Compagnons se distinguent des autres artisans pour trois raisons principales :

– ce sont le plus souvent des professionnels hors pair, d’une compétence nettement au-dessus de la moyenne.

– cette compétence, ils l’acquièrent durant les années qu’ils passent à voyager de maître à maître, de ville en ville, voire de pays en pays. D’ailleurs, pour la France, ils sont connus sous l’appellation générale de « Compagnons du Tour de France  »; en Allemagne, les « Zimmermann », les Compagnons charpentiers, se doivent d’aller le plus loin possible et aussi de séjourner à Jérusalem.

– enfin, et ce n’est pas là le moindre de leur prestige, ils possèdent des coutumes très particulières, notamment des rites initiatiques secrets qui tissent entre eux des liens fraternels. Ils possèdent un sens de la solidarité qui est sans commune mesure avec celui que d’autres contextes prêchent également, notamment les religions. Ces rites et ces coutumes se concrétisent également par l’adoption de signes de reconnaissances, de costumes particuliers – par exemple la célèbre tenue de velours noir et le grand chapeau des Compagnons charpentiers de Hambourg – et de divers symboles, le plus connu de tous étant l’équerre et le compas entrecroisés – symbole qui est également celui de la Franc-maçonnerie.

Venons-en maintenant à décrire ces compagnonnages de tailleurs de pierre. Je vous parlerai tout d’abord des compagnonnages français, avant d’aborder plus brièvement ceux des autres pays d’Europe.


SALOMON
Détail d’une lithographie compagnonnique du XIXe siècle.
Voir notice sur la réédition de cette lithographie.

Jusqu’à ces dernières années, ce que l’on savait des Compagnons tailleurs de pierre français se limitait presque exclusivement au fait qu’ils étaient considérés par les autres corps compagnonniques comme étant les plus anciens, les fondateurs, ceux qui se seraient constitués en compagnonnage sous le règne de Salomon, lors de la construction du premier temple de Jérusalem. S’il était difficile, faute de preuves documentaires, d’accorder un crédit scientifique à une telle légende, l’on acceptait néanmoins, sans davantage de preuves, qu’ils étaient les descendants directs des fameux bâtisseurs des cathédrales gothiques. En fait, les plus anciennes archives attestant de l’existence de compagnonnages de tailleurs de pierre ne dataient que du tout début du XVIIe siècle – de manière plus générale, aucun compagnonnage de quelque métier que ce soit n’est attesté en France, de manière absolument certaine, avant le milieu du XVIe siècle. Qui plus est, ces archives ne concernaient que des aspects secondaires, notamment les litiges ou les rixes qui les opposaient entre eux ou aux autorités civiles et religieuses. Presque rien ne nous était connu de leur organisation interne, si ce n’est le fait que, dans le cas particulier des Compagnons tailleurs de pierre, ils étaient divisés en deux rites hostiles  : celui des Compagnons « Passants  »du Devoir et celui des Compagnons « Étrangers ».

Cette situation agaçante pour les historiens a brutalement évolué lorsque, il y a tout juste trois ans, nous avons eu le bonheur de découvrir un volumineux ensemble d’archives provenant directement des Compagnons Passants tailleurs de pierre d’Avignon, archives datant des XVIIIe et XIXe siècles. C’était la toute première fois que de semblables documents étaient accessibles aux chercheurs. En effet, quelques autres sont toujours conservés par les actuels Compagnons Passants tailleurs de pierre.

Parmi les documents d’Avignon figuraient notamment plusieurs « Rôles  » – ce terme désigne tout à la fois l’emblème sacré de la société compagnonnique, son règlement intérieur et le recensement de tous les passages de Compagnons dans une ville. En l’occurrence, pour Avignon, nous avions deux textes de règlement séparés par une dizaine d’années, ce qui nous a permis de mesurer leur stabilité malgré quelques évolutions, et presque un millier de noms de Compagnons, pour une période continue allant de 1773 à 1869.

Rôle des compagnons passants tailleurs de pierre d’Avignon de 1782.
© Archives départementales de Vaucluse.

Consulter la notice du livre publié sur les découvertes en Avignon

Ce que nous ont appris ces archives s’est révélé en quelques semaines particulièrement révolutionnaire : nous nous sommes rendus compte que presque tout ce qui avait été dit au sujet des Compagnons tailleurs de pierre dans les livres généraux sur le compagnonnage était soit purement et simplement faux, soit très fautif – parce que déduit de ce que l’on savait ou croyait savoir d’autres métiers. Ainsi, pour vous donner un exemple très significatif, il apparaissait que, contrairement aux idées reçues, les tailleurs de pierre du XVIIIe siècle devenaient Compagnons sans faire auparavant de chef-d’oeuvre, ni de tour de France. C’est parce qu’ils acceptaient de devenir membres de la fraternité compagnonnique qu’il leur était possible, s’ils avaient besoin de voyager en France, de bénéficier de l’assistance des autres Compagnons, au gré des villes où ceux-ci possédaient des sièges. En fait, les critères d’admission dans le « Devoir  » – puisque tel est le nom que les Compagnons français donnent eux-mêmes à leur organisation – étaient avant tout d’ordre moral et religieux – ce devait être des catholiques n’ayant jamais subi de condamnation pénale et menant une vie honnête – et, presque accessoirement, professionnels – on leur demandait non pas d’être des tailleurs de pierre exceptionnels mais, plus simplement, d’être capables de vivre de leur métier et de ne pas faire déshonneur au prestige du compagnonnage. Contrairement à d’autres métiers, qui pratiquèrent cet usage peut-être seulement après la Révolution de 1789, ils ne faisaient donc pas de ces magnifiques chefs-d’oeuvre dont on peut admirer quelques-uns au Musée du Compagnonnage, à Tours.

Leur organisation interne, qui serait trop longue à détailler ce soir, était centrée sur la solidarité et le respect mutuel. Leur devise résume parfaitement bien leur idéal :

TRAVAIL ET HONNEUR

Les Compagnons qui arrivaient dans une ville où résidaient d’autres Compagnons étaient pris en charge ; on leur procurait immédiatement de quoi boire et manger et l’on se mettait en quête de travail pour eux. Si la situation économique ne permettait pas de leur trouver de l’ouvrage, on leur procurait de quoi subsister jusqu’à la prochaine ville où la société possédait un siège. Chacun, tout à tour, devait prendre sur son temps de travail pour s’occuper des charges inhérentes à cette assistance fraternelle. Tous les premiers dimanches du mois, l’ensemble des Compagnons de la ville et de sa région se réunissait au siège de la société, généralement une auberge, pour discuter des affaires en cours, régler les cotisations, recevoir les nouveaux membres, et, de manière générale, assurer le bon fonctionnement de la société.

La lecture des courriers échangés entre les sièges des diverses villes où ils étaient implantés permet de voir que la majorité d’entre eux possédait une culture qui était non seulement au-dessus de la moyenne générale mais aussi nettement au-dessus de celle de nombreux intellectuels. Ainsi, en 1841, à l’occasion d’une concertation au sujet de la nécessité de faire évoluer leurs règlements en fonction des acquis de la Révolution de 1789, ils portent sur la société et le progrès un regard qui anticipe nettement sur le Manifeste du parti communiste que Karl Marx publiera seulement sept ans plus tard… D’ailleurs, si l’analyse qu’ils font des mécanismes de la société possède des accents marxistes, l’on doit noter qu’ils transcendent cette analyse pour atteindre à une forme de sagesse que, aujourd’hui encore, on peut leur envier.

Un autre exemple de cette culture est lui aussi très significatif : le Compagnon qui a dessiné et rédigé le Rôle d’Avignon de 1782 était manifestement un lecteur habitué de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, dont la publication des 17 volumes ne fut achevée qu’en 1765, monumental ouvrage qui n’était pas à la portée financière de tout un chacun. Il faut dire que ce Compagnon était à cette date le plus gros entrepreneur de bâtiment de tout le sud-est de la France. Cela ne l’empêchait pas de continuer à fréquenter assidûment ses frères les tailleurs de pierre.

Pour ce qui concerne l’origine des compagnonnages, ces archives ne nous ont malheureusement pas appris grand-chose, du moins directement. Mais, de par tous les éléments précis qui nous sont enfin connus, il est désormais possible d’élaborer des hypothèses sérieuses que, petit à petit, la découverte d’autres documents viendra confirmer, corriger, et peut-être quelquefois infirmer.

S’il n’est pas à exclure que les légendes racontant une fondation aux temps bibliques possèdent une part de vérité, il est aujourd’hui à peu près certain que le développement des premiers compagnonnages est une conséquence directe des Croisades et de l’élan constructeur du XIIIe siècle, de cette époque que l’on a justement baptisée le temps des cathédrales. En effet, les croisades furent également l’occasion de fructueux échanges avec le monde musulman, qui était à l’époque bien plus en avance, à tous points de vue, que le monde chrétien, notamment en ce qui concerne les sciences et la technologie, tout particulièrement la géométrie sans laquelle la construction des cathédrales aurait été impossible. Par ailleurs, les Croisades amenèrent un important développement de l’architecture, à cause des travaux de fortification. L’on sait que les grands ordres chevaleresques, tout spécialement les Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem (l’ordre de Malte aujourd’hui) et ceux de l’Ordre du Temple, entretenaient d’importantes équipes d’ouvriers et il n’est donc pas à exclure qu’ils aient tenté de les structurer de la même manière qu’ils l’étaient eux-mêmes. Certains usages et rites compagnonniques prêchent en faveur de cette idée.

De retour dans les royaumes et empires chrétiens, ces organisations d’ouvriers perdurèrent, d’autant que la construction des cathédrales nécessitait une main d’oeuvre nombreuse, qualifiée et disciplinée. Si les archives n’ont à l’heure actuelle livré aucune preuve de l’existence formelle, pour la France, de semblables compagnonnages – ce n’est pas le cas pour l’Allemagne – c’est peut-être tout simplement à cause du fait que ce mode d’organisation semblait tellement naturel qu’il échappa à l’attention des chroniqueurs.

Cette hypothèse peut trouver un début de confirmation dans le fait que l’émergence des compagnonnages dans les archives se situe précisément dans le cadre des crises que traversa la société au XVIe siècle avec, d’une part, l’irruption de la Réforme – qui provoquera durant plus d’un siècle une chasse aux sorcières aussi bien chez les catholiques que chez les Protestants – et, d’autre part, la naissance du capitalisme moderne – qui introduira des clivages entre maîtres et ouvriers, lesquels vivaient jusqu’alors dans une entente familiale. Les premiers compagnonnages nous sont en effet connus au travers des grèves qu’ils provoquèrent ainsi qu’au travers de procès en ce qui concerne leur orthodoxie religieuse – catholiques et protestants s’entendant d’ailleurs pour considérer les rites initiatiques des Compagnons comme hérétiques.

C’est le moment de dire quelques mots sur ces rites. L’admission dans le Devoir est sanctionnée par une cérémonie appelée la Réception. Celle-ci, d’après le peu que nous pouvons en savoir, car elle reste aujourd’hui encore très secrète, se décompose en deux parties : d’une part la prestation d’un serment de fidélité au Devoir et à ses règles, notamment la solidarité entre Compagnons ; d’autre part la mise en scène d’une sorte de pièce de théâtre dans laquelle le nouveau membre occupe la place centrale. Si cette représentation varie beaucoup d’un métier à un autre, la trame est généralement identique : à l’origine de la société, il y a souvent un fondateur qui a été assassiné et qui, en quelque sorte, connaît comme une résurrection, une réincarnation dans le nouveau membre. Dans le même temps, ce dernier est souvent assimilé à l’assassin du fondateur, ce qui peut sembler paradoxal. Quoi qu’il en soit, ce rite de réception est un rite de mort et de résurrection. C’est pourquoi il se termine par un baptême, l’initié recevant un nouveau nom puisqu’il est né une seconde fois. Chez les Compagnons tailleurs de pierre, qu’ils soient du rite des Passants ou de celui des Étrangers, ce nom est formé par celui d’une vertu suivi de celui de la ville dont il est originaire. L’on a ainsi : la Prudence d’Avignon, la Fidélité de Lyon, Joli Cœur de Bordeaux, la Sagesse de Paris, etc.

Le millier de noms de Compagnons que nous avons retrouvés dans les archives avignonnaises nous a ainsi permis de reconstituer une carte des origines géographiques des tailleurs de pierre, ainsi qu’une hiérarchie de leurs vertus préférées.

Pour ce qui est de la géographie, il apparaît de la sorte que leur implantation n’est absolument pas homogène. Même s’ils ont un siège très important à Paris, presqu’aucun Compagnon tailleur de pierre n’est originaire de cette ville. En fait, ce compagnonnage, comme plusieurs autres, s’est développé presque exclusivement au sud de la Loire, dans les anciens territoires de langue occitane. On peut aussi noter que c’est un phénomène nettement centré sur les grands centres urbains. L’explication de cela est d’ailleurs très simple : les tailleurs de pierre sont moins attachés aux lieux d’où provient la matière première qu’ils emploient, qu’aux grandes villes où se construisent des monuments.

Cette analyse géographique nous a également amenés à entrevoir un point important qui avait échappé à nos prédécesseurs : l’implantation de l’autre rite de Compagnons tailleurs de pierre, les Étrangers, n’est pas exactement la même que celle des Passants. Les premiers semblent s’être spécialisés dans le travail des pierres dures, tandis que les seconds ne travaillent que les pierres tendres. Par ailleurs, les Étrangers sont plutôt implantés dans les zones à dominante protestante, alors même qu’ils sont le plus souvent catholiques, et l’on peut noter qu’ils sont plus nombreux dans l’Est, dans des régions qui ont longtemps été sous la domination du Saint Empire Romain Germanique ou qui lui sont frontalières. Si l’on prend en compte d’autres particularités de ces Compagnons « Étrangers », l’on peut alors se demander si leur surnom ne signifie pas tout simplement qu’ils sont d’origine étrangère. Malheureusement, si grâce aux découvertes faites en Avignon, nous connaissons mieux aujourd’hui le rite des Compagnons Passants, celui des Étrangers reste trop mystérieux pour savoir s’ils possèdent un étroit lien de parenté avec les Compagnons tailleurs de pierre germaniques.

Origines géographiques des Compagnons Passants TdP d’Avignon. © Jean-Michel Mathonière

Consulter la liste complète des 1039 passages de Compagnons Passants TdP en Avignon

Consulter un règlement des Compagnons Étrangers tailleurs de pierre.

C’est maintenant le moment de vous parler un peu de ce compagnonnage germanique et des autres formes de compagnonnage que l’on peut relever dans d’autres pays d’Europe.

À la différence de la France, les archives concernant les Compagnons tailleurs de pierre de l’ancien Saint Empire sont très riches et permettent de connaître les grandes lignes de leur histoire dès le Moyen Âge. Divers documents attestent de l’existence de loges de tailleurs de pierre sur les grands chantiers gothiques dès le début du XIIIe siècle. Par ailleurs, en 1459, des Maîtres et Compagnons de toutes ces loges tinrent une réunion à Ratisbonne (Regensburg) afin d’adopter un règlement commun, lequel nous est parvenu (télécharger la traduction de ce règlement au format PDF). Ils décidèrent à cette occasion que le siège suprême de leur organisation, la « Bauhütte », serait la loge de la cathédrale de Strasbourg, et leur grand Maître l’architecte de même cathédrale. Le vaste territoire germanique fut également divisé en quatre zones, avec à la tête de chacune d’entre elles une loge principale : Strasbourg, Cologne, Vienne et Zurich. La suprématie de la Grande Loge de Strasbourg ne prendra fin qu’en 1771, presque un  siècle après l’annexion de cette ville à la France.

Comme les Compagnons français, les Compagnons germaniques pratiquaient l’itinérance de chantier en chantier et ils possédaient des rites initiatiques secrets. Eux aussi se réclamaient d’une fondation première à l’époque de la construction du temple de Salomon. Et eux aussi portèrent au plus haut le renom de la société, en accomplissant des chantiers exceptionnels et en travaillant toujours dans le respect de l’honneur.

Ce compagnonnage germanique a étendu très loin ses ramifications, notamment en direction de l’Europe Centrale et du Sud. La trace de ces Compagnons tailleurs de pierre est d’autant plus facile à suivre que chacun recevait à son admission dans la société une marque qui lui était personnelle, marque qu’il apposait sur chacune des pierres qu’il taillait.

C’est ainsi que, par exemple, en observant attentivement les marques laissées sur les pierres les plus remarquables des églises, l’on peut remarquer qu’ils descendaient jusqu’à Venise par la vallée de l’Adige, certainement en même temps que le marbre nécessaire à la construction des monuments de Vérone, de Florence et de Venise.

Il est possible qu’ils provoquèrent ainsi en Italie la création de compagnonnages spécifiques, mais ceux-ci semblent avoir disparu sans laisser de traces.

Une marque de Compagnon tailleur de pierre sur l’escalier de la Maison de l’Œuvre à Strasbourg. © Photographie Jean-Michel Mathonière.

Consulter l’article sur la géométrie « secrète » et les marques des Compagnons tailleurs de pierre de la Bauhütte germanique.

Télécharger (fichier PDF) l’extrait de ma conférence sur la Bauhütte au musée du Compagnonnage (Tours) en 2002.

Il en va tout autrement dans les Îles Britanniques. Les archives mentionnent l’existence de loges de Compagnons tailleurs de pierre dès le XIIIe siècle. Le plus ancien règlement conservé date de la fin du XIVe et il offre des indices d’une possible origine française. Par ailleurs, d’importantes loges sont attestées en Écosse à la fin du XVIe siècle, loges dont il semble qu’elles étaient davantage inspirées du modèle germanique – ce qui est d’autant moins impossible que l’Écosse et le Saint Empire entretenaient alors d’excellents rapports. Mais, là encore, si l’on connaît l’existence de ces loges, il est très difficile de se faire une idée précise de leur organisation interne. Cependant, elles connurent une fortune singulière puisqu’en disparaissant, au cours du XVIIe siècle, elles donnèrent indirectement naissance à une institution qui fit beaucoup parler d’elle par la suite : la Franc-maçonnerie spéculative. Mais, comme disait Rudyard Kipling, « ceci est une autre histoire…  »

Consulter l’article sur le mystère des origines de la franc-maçonnerie.

Consulter l’article sur les confusions entre compagnonnages et franc-maçonnerie.

Consulter l’article sur les Compagnons Étrangers tailleurs de pierre et la franc-maçonnerie spéculative.

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