Je reprends ci-dessous, en la complétant de quelques détails, la matière d’un article publié initialement le 31 Juillet 2018.
André Delorme a eu la gentilesse de me signaler cette belle réalisation ornant le n° 7 de la rue Suzanne Cothonneau à Saint-Martin-de-Ré.
© Photographie André Delorme, droits réservés.
Cette niche porte la date de 1764 et elle est ornée, en bas, de part et d’autre d’un cartouche ornemental de style Louis XV, d’une équerre et d’une règle entrecroisées, à gauche, et, à droite, d’un compas entrecroisé d’un compas de proportion/pied-de-roi (en lieu et place de l’équerre habituellement attendue). Le voûtement de la niche est formé par une trompe saillante.
L’intérieur de la niche abrite une sculpture un peu frustre représentant un pommier semble-t-il. Est-elle d’époque ou plus tardive ? Le nom Pommier étant assez répandu, s’agit-il d’une évocation du patronyme du propriétaire ? Voir, par exemple, l’ex-libris de Mathurin Paulmier, L’Espérance le Tourangeau, un compagnon tailleur de pierre du milieu du XVIIe siècle sur un exemplaire imprimé du traité de Vignole sur les cinq ordres d’architecture.
Au vu de l’aspect architectural de cette niche ainsi que l’importance accordée à la stéréotomie, et des outils présentés, il ne fait absolument aucun doute qu’il s’agit là d’une réalisation de compagnon tailleur de pierre Étranger plutôt que Passant, cette forme particulière, avec le pied-de-roi au lieu de l’équerre simple, étant celle des armes des compagnons Étrangers tailleurs de pierre du Devoir au début du XVIIIe siècle. Il est de fait probable que cette niche ornait la demeure de l’un des entrepreneurs et/ou architectes résidant dans cette importante place-forte qu’était alors Saint-Martin-en-Ré.
« Le compas de proportion est un instrument de mathématique, composé de deux règles plates, assemblées à charnière par un des bouts, comme un compas ordinaire, pouvant de même se fermer ou s’ouvrir sous des angles plus ou moins aigus et portant sur leurs faces des lignes divisées pour servir à divers usages de géométrie. » (Source : Article Wikipedia) Sur le mode d’emploi du compas de proportion, voir la page du Géomusée d’où provient la photographie ci-dessous :
Il s’agit d’un instrument rarement représenté dans les emblèmes compagnonniques. On en connaît toutefois quelques exemples, comme, ci-dessous, le blason figurant sur la demeure du maître-serrurier Charles Bruslé (1703-1767) dans le quartier de Recouvrance à Brest, à la date de 1759, c’est-à-dire contemporain à celui de Saint-Martin-de-Ré.
C’est également un pied-de-roi/compas de proportion qui accompagne le compas sur la page de titre du rôle des compagnons menuisiers non du Devoir de la ville de Nantes en 1765.
Les recherches que j’ai menées sur internet pour voir si l’on trouvait quelques informations au sujet de cette niche à Saint-Martin-en-Ré n’ont rien produit de significatif. On constate simplement que d’après le livre de Francis Masgnaud, Franc-maçonnerie et francs-maçons en Aunis et Saintonge sous l’Ancien Régime et la Révolution (1989), « À Saint-Martin-de-Ré se serait réunie, dès 1764, une loge dont nous ignorons le titre, au numéro 7 de l’actuelle rue Suzanne Coutonneau. » Mais cette hypothèse est une explication a posteriori et a priori des emblèmes « maçonniques » de la niche et ne repose sur aucune source documentaire.
C’est au demeurant un phénomène hélas encore trop fréquent que de voir tous les emblèmes présentant un compas et une équerre, datant du XVIIIe siècle ou avant, être attribués à la franc-maçonnerie plutôt qu’aux compagnonnages. À la décharge des chercheurs, il faut souligner que les compagnons ont également tendance à classer comme maçonniques les emblèmes présentant une iconographie différente de celle qui est la leur depuis le début du XIXe siècle.
Je reproduis ci-après les anciens commentaires laissés sur le post :
Commentaire de : Lalanne [Visiteur] 01.08.18 @ 12:59
Je ne peux en rien compléter, augmenter, enrichir ces riches informations, mais je peux remercier pour cet enrichissement que je reçois. Il n’est pas du trop
Commentaire de : Maxime [Visiteur] 05.08.18 @ 11:32
Le compas de proportion est dans l’étui de mathématiques au grade de grand maître architecte
Commentaire de: Jean-Michel MATHONIÈRE 06.08.18 @ 07:13
Merci Maxime pour cette remarque. En effet, le 12e degré du Rite Écossais Ancien Accepté, sous l’intitulé de « Grand Maître Architecte », propose une vision du réel savoir géométrique et architectural des opératifs des XVIIe et XVIIIe siècles plus exacte et précise que celle des 1er et, surtout, 2e degré (compagnon).
Commentaire de : Pommier [Visiteur] 09.08.18 @ 07:17
Il y a en effet des Pommier dans les registres d’état-civil de la région.
J’ai une question pour Maxime : pensez-vous que la présence du compas de proportion sur cet emblème signifie, du fait de sa présence dans les symboles du grade de Grand Maître Architecte, que l’on a affaire ici à un témoignage maçonnique des Hauts-Grades ?
Commentaire de Hrms le 15 mars 2022 :
Concernant les représentations maçonniques, notamment en tant que motif ornemental gravés ou sculptés, ces dernières représentent assez rarement des symboles liés aux Hauts grades. Les motifs maçonniques sont en général, plutôt cantonnés à ce qui parle le mieux au plus grand nombre, à savoir l’équerre le compas, voire quelques adjonctions complémentaires à ces deux outils. Je rejoins tout à fait Jean-Michel sur l’origine compagnonnique de la représentation.
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