L’on sait que la fête patronale des Compagnons tailleurs de pierre français se situe à l’Ascension. D’autres patronages existent toutefois localement pour les confréries locales de métiers auxquels se rattachent les tailleurs de pierre et/ou maçons (on rappellera que ce vocable désignait autrefois les tailleurs de pierre et non particulièrement ceux qui posaient et assemblaient ces dernières). On connaît ainsi des confréries placées sous le patronage des Quatre Saints Couronnés (le principal patronage des tailleurs de pierre dans une grande partie de l’Europe), de saint Jean, de saint Blaise, de saint Marc, etc.
Mes recherches sur les compagnons passants tailleurs de pierre d’Avignon m’ont amené à m’intéresser à la confrérie des maçons d’Avignon, dont on possède quelques traces postérieurement à sa restauration dans son ancienne chapelle en juillet 1823 à l’église métropolitaine Notre-Dame-des-Doms. Cette confrérie était placée sous l’invocation de l’Assomption de la Vierge, ainsi qu’en atteste cette gravure imprimée sur soie et datant de vers 1870.
L’article VI des statuts de la confrérie, imprimés en 1825, nous apprennent que de telles images étaient distribuées aux confrères à l’issue de la messe donnée en l’honneur de l’Assomption de la Vierge : « Après la Messe, les six Bayles resteront à la banque et feront la distribution des gâteaux et des images de la manière suivante : savoir, chaque Confrère s’avancera, et remettra aux Bayles la carte qu’on lui aura donnée le matin avant la Procession, et on donnera à chacun deux gâteaux et deux images, dont un est destiné pour lui et l’autre pour son épouse, et les Bayles ne pourront donner des gâteaux ni d’images qu’à ceux qui auront la carte destinée pour ladite distribution. »
Ces images étaient ordinairement imprimées sur papier, ainsi qu’en témoignent les exemplaires conservés dans les collections publiques et privées. Une note manuscrite, en date du 1er août 1874, portée en marge d’un des exemplaires conservés dans les fonds patrimoniaux de la médiathèque Ceccano (Avignon), provenant du catalogue des travaux de ville d’un lithographe avignonnais, permet de connaître la quantité imprimée ainsi que les variantes :
« 100 sur papier imp. noir
10 — carton mat — doré
6 — soie — bleu »
On peut en déduire, tenant compte des statuts, que la confrérie comptait alors une cinquantaine de membres (chacun recevant deux exemplaires de l’image) et que les six exemplaires imprimés sur soie étaient assez certainement destinés aux six bayles. Quant aux dix exemplaires imprimés en doré sur carton, ils étaient probablement remis aux membres du clergé ayant célébré l’office et aux personnes que l’on voulait honorer, par exemple aux autorités municipales.
Les exemplaires conservés montrent que le dessin de l’Assomption était emprunté aux modèles popularisés par les peintres des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment au célèbre avignonnais Nicolas Mignard. C’est un point sur lequel je reviendrai dans des publications ultérieures.
Ce qui est intéressant à souligner ici, c’est la présence, en dessous de la figuration de l’Assomption, d’un cartouche emblématique qui non seulement emploie des éléments en rapport avec le métier de maçon (au sens précisé supra), mais aussi réutilise certains de ceux-ci en référence indiscutable au frontispice du Rôle des Compagnons Passants tailleurs de pierre d’Avignon de 1782
et, au travers de ce dernier, au frontispice du traité de gnomonique de Dom Pierre de Sainte-Marie-Madeleine (édition originale en 1641).
C’est à la même confrérie de l’Assomption et aux mêmes modèles emblématiques que fait référence la carte d’invitation au bal de l’Assomption organisé par les « jeunes gens tailleurs de pierre » (= Aspirants au compagnonnage) en 1845, dans la salle du Jeu de Paume de la rue Bancasse (dont on notera qu’elle accueillait également la loge Les Vrais Amis réunis, du Grand Orient de France).
On peut aisément déduire de cette parenté iconographique que la confrérie du corps des maçons de la bonne ville d’Avignon était une émanation de la société des compagnons passants tailleurs de pierre de cette ville. Au demeurant, la liste des membres indiquée dans les statuts de 1823 comprend un grand nombre de noms de personnages qui nous sont connus pour être des compagnons passants, parmi lesquels, en tout premier lieu, celui de Joseph Ponge, dit « la Douceur d’Avignon », qui est le compagnon qui a dessiné le frontispice du fameux Rôle de 1782. J’ai mis en italique dans cette liste les noms de ceux dont l’appartenance compagnonnique est attesté ou qui appartiennent à des familles dont l’appartenance de membres est certaine ; et j’ai souligné la mention explicite d’un nom de compagnon : « Joseph Ponge Bayle, Richard oncle Bayle, Reynaud Bayle, Pelegrin père Bayle, Étienne Berard dit la Rose Bayle, Arnaud Secrétaire-Trésorier, Martin Maître des Cérémonies, Ladouce, Bremond cadet, Tardieu père, Dibon, Doctavet dit Oliviet, Chalandon, Gayet père, Corbinot, Lunel, Coulon, Mariotty marbrier, Alexis Clement, Serre Denis, Bastidon, Manivet aîné, Bezias fils, Marquit, Richard aîné, Bezias Joseph-Agricol, Bertaud Pierre, Cadet Michel, Richard cadet, Felix, Cadet Noël, Mery, Bezias Joseph, Marin, Blanc Joseph, Giraudon, Armand Agricol, Berthaud Michel, Berard Pierre, Manivet cadet, Vernet Jean, Gontard Xavier, Ponge aîné, Vernet Pierre, Aubenas, Brinat fils, Rougier Pascal, Piquet, Montagnier André, Gille, Brunet aîné, Pavezzy Henri, Paillet fils, Ponge cadet, Pelegrin fils, Terrier, Ponge fils de Joseph, Brun cadet, Achard cadet, Viret, Romieu Joseph, Lapierre, Privat François, Albert Esprit, Brousset, Sellen, Crés Pierre, Lhermite, Roux Antoine, Bresson. »
Sachant que dans les documents compagnonniques, la mention des noms d’état civil reste exceptionnelle à cette date, il est probable que d’autres de ces personnes, si ce n’est toutes, étaient également membres de la société des compagnons passants tailleurs de pierre.
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