Aperçus et considérations sur le “réseau fondamental” des Compagnons tailleurs de pierre de l’ancienne Bauhütte
Cet article a été initialement publié dans la revue LA RÈGLE D’ABRAHAM, N° 3 (avril 1997). Il a également fait l’objet d’une traduction en espagnol, par Pedro Vela, dans le n° 18 (novembre 2003) de la revue LETRA y ESPÍRITU.
Certaines des perspectives “traditionnelles” évoquées ne correspondent plus rigoureusement à ma pensée actuelle, presque vingt-cinq années de recherches et de découvertes plus tard. De manière générale, ce travail mériterait à mon sens d’être corrigé et complété quant à ses sources documentaires. Toutefois, en attendant que je consacre une nouvelle étude à ce sujet, il m’a semblé intéressant de le mettre à la disposition des curieux, sachant que les aspects purement géométriques et graphiques demeurent valides.
Les numéros entre [crochets] renvoient aux notes figurant à la fin de l’article.
La question de la géométrie « secrète » des « bâtisseurs de cathédrales » a fait l’objet d’un assez grand nombre de publications [1], la plupart assez fantaisistes. Les réponses données relèvent principalement du domaine de l’hypothèse et, de ce fait ou de celui de leur pollution par l’occultisme, elles apparaissent nettement insuffisantes voire totalement erronées.
Le concept lui-même est sujet à interrogation. Car, au préalable, que faut-il entendre par géométrie « secrète » ? [2] S’agit-il tout simplement de procédés géométriques qu’auraient conservés par devers eux ces bâtisseurs afin de maintenir leur monopole sur les chantiers ? Ou bien s’agit-il plutôt d’une dimension ésotérique de la géométrie ?
En fait, il est évident que la vérité participe plus ou moins de ces deux extrêmes. Il serait absurde de croire que, dans le cadre d’associations initiatiques et à une époque aussi portée sur le symbolisme que le Moyen-Age, la géométrie n’ait pas été un support privilégié de spéculations à caractère ésotérique. Mais il le serait tout autant de croire que chacun des membres de ces associations possédait la connaissance pleine et entière de cet ésotérisme — en supposant celui-ci défini et formulé de manière homogène — et était par conséquent capable de l’employer et de le transmettre de manière satisfaisante.
Un autre reproche qu’il nous faut aussi, en préambule, adresser à un grand nombre de ceux qui se sont occupés de cette question, c’est que, convaincus à priori du caractère totalement « secret » de cette géométrie et, de ce fait, de la quasi inexistence de la documentation, ils se sont laissés aller à échafauder ce qui apparaît comme étant davantage des rêveries que des hypothèses, la plupart d’entre elles étant exclusivement centrées sur le fameux « Nombre d’Or », un aspect en réalité assez « secondaire » [3] de la question et dont l’émergence au premier plan des préoccupations des bâtisseurs, ou, plus exactement, au premier plan de la littérature traitant du sujet, ne date en fait que de la Renaissance [4].
La Bauhütte
S’il est vrai que les organisations initiatiques de métiers du Moyen Age ont laissé extrêmement peu de traces, tout particulièrement en ce qui concerne leurs aspects rituels et symboliques, il en est pourtant une au sujet laquelle la documentation, à partir du XVe siècle, est relativement abondante : la Bauhütte, organisation fédérant les loges de tailleurs de pierre du Saint Empire Romain Germanique [5].
La publication en 1993 de la traduction française des Études sur les marques de tailleurs de pierre de Franz Rziha [6] est venue apporter quelques lumières sur la géométrie « secrète » employée par les Compagnons tailleurs de pierre de la Bauhütte. L’auteur a relevé et analysé plus de 9000 marques de tailleurs de pierre et il propose, sur la base d’un millier de reproductions (voir les reproductions de la Pl. I, ci-dessous), un système cohérent de grilles constructives supposées être les « réseaux fondamentaux » employés par les quatre Grandes Loges régissant le vaste territoire de la Bauhütte : Strasbourg, Cologne, Vienne et Berne. L’inscription de la « marque d’honneur » de chaque tailleur de pierre dans ces grilles fournirait donc son lieu de « naissance » en tant que Compagnon.
Cependant, les « découvertes » de Rziha peuvent laisser sceptiques. Faute de connaître des documents convergents, il serait légitime de penser que ses « réseaux fondamentaux » sont trop complexes et qu’il ne s’agit là que d’une séduisante vue de l’esprit.
Il convient d’opposer à ce doute que, en réalité et contrairement à ce qu’il laisse entendre dans la présentation de ses travaux, les tracés de Rziha ne constituent pas véritablement le résultat de recherches, de tâtonnements et de découvertes personnelles. Bien que partiels, ils sont authentiques et appartiennent bel et bien au patrimoine de la Bauhütte. Il est probable que cette « appropriation », sous couvert d’une recherche archéologique et historique, résulte d’une stratégie de Rziha visant à dissimuler le fait qu’il était membre de cette association [7] dont les privilèges avaient été supprimés par le Reichstag depuis 1771 (ce qui équivaut dans les faits à une dissolution) mais qui était, ainsi qu’il le note lui-même, encore un peu active vers 1880.
Par ailleurs, si les études de Rziha ont pour objet principal de mettre en évidence l’inscription de la marque personnelle du Compagnon tailleur de pierre dans les réseaux fondamentaux, la géométrie de ceux-ci avait déjà fait l’objet de publications.
La plus ancienne de ces publications est celle, en 1486, d’un livret de la rectitude des pinacles par Matthias Roriczer [8], maître-maçon et architecte de la cathédrale de Ratisbonne. Il y est succinctement dévoilé quelques aspects du tracé ad quadratum appliqués à la construction d’un pinacle, élément d’architecture qui semble avoir été le « chef-d’œuvre » type des tailleurs de pierre de cette époque.
Un autre opuscule paraît peu de temps après (vers 1488) sur le même sujet, précisant certains points jugés obscurs de l’opuscule de Roriczer. Il est dû à un orfèvre, Hans Schmuttermayer [9].
L’emploi de tels tracés est parfaitement attesté par de nombreux dessins et documents d’architecture [10] des XVe et XVIe siècles et l’on peut légitimement supposer qu’ils étaient connus et employés en Allemagne dès le XIIIe. De même que de nombreux artistes/artisans de son époque, Albrecht Dürer en connaissait l’existence et il y fait référence à plusieurs reprises et avec beaucoup de respect dans ses Instructions pour la mesure à la règle et au compas [11].
Sur la base de cette documentation ainsi que d’une abondante collection de dessins et de maquettes provenant de loges de la Bauhütte, l’architecte Friedriech Hoffstadt publia au début des années 1840 un copieux ouvrage, traduit en français en 1854 sous le titre explicite de : Les principes du style gothique exposés d’après des documents authentiques du Moyen-Age, à l’usage des ouvriers et des artistes. C’est un ouvrage-phare du style néo-gothique. De même que pour Rziha [12], certains indices laissent à penser que Hoffstadt n’était pas simplement un curieux d’archéologie et était lui-même membre de la Bauhütte.
Un examen même superficiel de toutes ces données montre que l’on est face à un corpus géométrique parfaitement homogène, essentiellement fondé sur deux modalités de « réseau fondamental » : ad triangulum (à base hexagonale) et ad quadratum (à base octogonale). D’autres procédés géométriques sont quelquefois abordés, telle la construction du pentagone ou celle de l’heptagone, mais occupent une place secondaire et, semble-t-il, essentiellement pratique.
Sur le plan pratique, l’objectif de ces réseaux est double : d’une part, fournir un « réticulage » du plan ; d’autre part, faciliter le passage harmonieux du plan à l’élévation. Accessoirement, le système permet également de faciliter les opérations de stéréotomie, c’est-à-dire le traçage en vraie grandeur de toutes les parties de l’œuvre en vue de leur exécution dans la pierre.
Si la dimension « secrète » de ce corpus géométrique est donc en réalité relative, il ne fait cependant aucun doute que, avant la fin du XVe siècle, elle était réelle [13]. De plus, il est important de noter que, outre son aspect véritablement « fondamental » du point de vue de la pratique architecturale et nonobstant le caractère souvent ostentatoire du vocabulaire de l’époque, les expressions servant à le désigner font preuve du caractère « supérieur » de cette pratique, telle « le plus noble et le plus juste fondement de la taille de la pierre ».
Il est par ailleurs à souligner, concernant la question de l’ésotérisme, que cette géométrie particulière jouait un rôle important dans les rites de la Bauhütte. Ainsi, à son arrivée dans une Loge où il n’était pas connu, le Compagnon itinérant devait-il « placer sa marque d’honneur », c’est-à-dire être capable de tracer et d’expliquer sa marque selon le réseau fondamental, ou encore se positionner parmi les autres Compagnons selon telle ou telle modalité des réseaux. Si ces pratiques rituelles possèdent un indéniable caractère mnémotechnique [14], il n’en demeure pas moins que le fait est remarquable et forme l’indice de la considération dont jouissait le réseau fondamental au sein de la Bauhütte et de l’existence d’un symbolisme s’y rattachant.
Rziha expose très brièvement, au sujet des marques, quelques interprétations symboliques de figures géométriques [15] : le cercle symbolise la perfection divine et le caractère fermé de la fraternité des tailleurs de pierre, le trait horizontal symbolise le monde et la balance (niveau), le triangle symbolise la Sainte Trinité et le compas, etc. Mais il ne fait aucun commentaire en ce qui concerne l’ésotérisme du réseau lui-même.
La collection Byrom
L’existence d’une géométrie de mêmes nature et caractère au sein des fraternités de Compagnons tailleurs de pierre d’autres contrées reste à démontrer sur le plan scientifique [16]. Nonobstant ce que peuvent véhiculer les organisations compagnonniques actuellement existantes — qui, pour la très grande majorité, ont su préserver le caractère secret de leurs rites et symboles —, la documentation les concernant est rare, pour ne pas dire quasi inexistante. Si quelques figures du « carnet » de Villard de Honnecourt renvoient implicitement à certaines modalités du réseau ad quadratum, cela n’est cependant pas nettement significatif quant à sa connaissance d’un corpus analogue à celui de la Bauhütte [17].
L’importance accordée à la géométrie dans la franc-maçonnerie forme également l’indice de l’existence, à l’époque opérative de cet ordre, d’un ésotérisme fondé en grande partie sur le cinquième Art libéral, mais, dans les rites et symboles spéculatifs en usage depuis le XVIIIe siècle, il ne subsiste toutefois pas d’exemple d’un réseau comparable à ceux de la Bauhütte [18].
Une découverte récente fournit cependant un témoignage intéressant de l’existence d’une telle méthode chez les maçons opératifs et pré-spéculatifs britanniques [19]. Il s’agit d’une collection de dessins réunis par l’un des premiers Maçons spéculatifs, John Byrom (1691-1763) [20]. Ces dessins datent principalement du début du XVIIe siècle. Cette collection est particulièrement intéressante puisque certains d’entre eux présentent des tracés comparables dans leur principe aux réseaux de la Bauhütte et que nombreux font preuve d’un profond intérêt pour des domaines que l’on croyait propres aux spéculatifs, telle, par exemple, la kabbale chrétienne. Il ne s’agit certainement pas de dessins provenant de simples tailleurs de pierre mais plutôt d’architectes — sachant que, à cette époque, cette profession n’est pas encore systématiquement coupée de ses racines opératives.
Il n’est pas à exclure que d’autres découvertes documentaires, tant au Royaume-Uni que sur le continent, interviennent et puissent nous éclairer sur la question de la géométrie « secrète » — laquelle concerne plus généralement le problème des filiations opératives et de leur éventuelle (mais incertaine !) origine commune. En fait, il est à souligner que les recherches sur ces questions n’ont pas été systématiquement menées dans toutes les directions nécessaires et que, probablement, de nombreux documents d’importance capitale attendent, soigneusement archivés, les chercheurs [21].
Dans le cadre de cette brève étude, nous nous limiterons à explorer la documentation publique concernant la Bauhütte. Nous nous efforcerons surtout d’en présenter clairement et simplement les bases graphiques, avant d’aborder, sans autre prétention que de contribuer à mieux la poser, la question de l’ésotérisme.
Les réseaux employés par les Compagnons tailleurs de pierre germaniques procèdent d’un principe graphique unique, simple et qui n’a malgré tout jamais été clairement mis en évidence : toute opération doit être menée à partir des points et mesures (distances et angles) obtenus précédemment, par le seul recours du compas et de la règle à tracer [22]. Quel que soit le degré de complexification et le type du réseau, toutes ses parties procèdent ainsi, sans solution de continuité, d’un acte primordial et d’une mesure unique.
Nous sommes donc face à un système répondant stricto sensu à la définition classique de l’Harmonie, ce qui justifie sans conteste la valeur suréminente qui lui est accordée, indépendamment d’autres aspects symboliques ou « secrets ».
Précisément, avant d’aborder l’exposé des opérations graphiques élémentaires servant à tracer les modalités les plus courantes du réseau fondamental, il convient de signaler qu’une partie essentielle de cette technique a échappé aux divulgations et aux recherches et reste donc aujourd’hui encore secrète. Faute de la décrire, nous nous contenterons de préciser que, sur le plan des opérations graphiques, elle obéit strictement au même principe unique que celui déjà énoncé. Il ne s’agit donc pas d’un procédé géométrique extraordinaire, faisant appel à des notions qui seraient inconnues à la géométrie profane, mais de la perception de quelque chose de simple et en réalité déjà « connu ». Pour reprendre le vocabulaire si pertinent de l’Alchimie, ce « Trait » [23] est véritablement un « jeu d’enfant » et un « travail de femme ».
Les opérations graphiques élémentaires
Mais revenons à ce qu’il nous est possible de décrire et analyser.
Les deux modalités du réseau fondamental débutent par le tracé du cercle dans lequel il s’inscrit, sans jamais en sortir. C’est en effet le rayon de ce cercle initial qui constitue la mesure par excellence — la « mesure sans mesure » si l’on tient compte du fait que, du point de vue traditionnel, celui qui trace est alors à l’image du Grand Architecte du Ciel et de la Terre œuvrant à la création du Monde et que, par conséquent, le rayon initial ne peut être envisagé comme étant « mesurable » selon les critères qui appartiennent à un plan inférieur.
Le fait que, sur le plan qui nous intéresse ici, c’est par le cercle que débute nécessairement le tracé n’est pas évident si l’on ne tient compte que de l’usage pratique du réseau fondamental. Face à une nécessité architecturale, il est en effet souvent nécessaire de partir d’une mesure donnée, telle, par exemple, le côté d’un carré. Néanmoins, de nombreux témoignages documentaires illustrent le fait que, quand bien même il n’est d’aucune utilité pratique, le cercle doit, dans la « juste » pratique, enfermer le réseau [24].
Après le tracé du cercle initial intervient celui du polygone étoilé de base : hexagone ou octogone [25].
Dans le cas de l’hexagone (réseau ad triangulum), le processus est simple et rapide. En effet, chacun sait depuis l’école primaire que le rayon du cercle divise la circonférence de celui-ci en six parties rigoureusement égales. Le tracé des droites unissant ces points un à un forme l’hexagone ; en les unissant deux à deux l’on obtient une figure étoilée connue en Occident sous le nom de « Sceau de Salomon » [26] et qui est omniprésente dans l’emblématique hermétique (voir figure 1, ci-dessous).
Dans le cas de l’octogone (réseau ad quadratum), il existe un procédé resté « secret », fondement de la partie non divulguée dont nous avons signalé l’existence et qui démontre lumineusement le caractère « secondaire » de celui-ci par rapport au réseau ad triangulum. C’est à cette hiérarchie et à cette partie secrète que Rivius [27] fait allusion lorsqu’il écrit que « la triangulation est le plus noble fondement des tailleurs de pierre ».
Cette suprématie du triangle équilatéral reste d’ailleurs perceptible dans le processus classique du tracé de l’octogone, processus sortant du cercle et donc moins « noble ». Sur la base d’un diamètre quelconque du cercle, il faut tracer sa perpendiculaire au centre. Pour ce faire, la méthode la plus rigoureuse consiste à élever à l’aide du compas, dont on aura modifié l’ouverture, deux arcs de cercles de rayon égal à ce diamètre à partir de chacune de ses extrémités. Les points d’intersections de ces arcs de cercles définissent la perpendiculaire recherchée. Les intersections de celle-ci avec la circonférence du cercle initial donnent les sommets manquants du carré fondamental (voir figure 2, ci-dessous). On notera que le schéma de cette opération (voir figure 3, ci-dessous) forme le fameux et énigmatique « quatre de chiffre » présent sur de nombreuses marques de maîtrise [28] et qu’il s’agit en fait du même tracé que celui servant à définir un triangle équilatéral d’après sa base.
Le passage à l’octogone s’opère en répétant cette opération de la perpendiculaire sur chacun des côtés du carré fondamental (voir figure 4, ci-dessous). Ce tracé n’est pas compliqué mais on remarquera qu’il est beaucoup plus long (indirect) que le tracé ad triangulum.
Ces figures de base étant obtenues, la complexification du réseau s’opère par la combinaison de deux méthodes simples :
— le rétrécissement ;
— la division.
Le rétrécissement
L’on commence par tracer toutes les diagonales unissant les sommets opposés des figures de base. L’intersection de celles-ci avec les droites les unissant deux à deux fournit les points nécessaires à l’inscription d’un polygone étoilé semblable mais proportionnellement « rétréci » (voir figures 5 et 6, ci-dessous).
La division
Les côtés des figures de base sont divisés en parties égales : trois et quatre dans le cas du réseau ad triangulum, quatre dans le cas du réseau ad quadratum. Cette division doit bien évidemment s’obtenir selon le principe énoncé et non par recours à la règle graduée et au calcul.
Dans le cas du réseau ad triangulum, les points servant à la division en quatre sont les mêmes que ceux servant au rétrécissement. Ils sont ici unis un à un, en laissant dépasser les droites jusqu’aux côtés des triangles de la figure première (voir figure 7, ci-dessous). Les points nécessaires à la division en trois sont ceux des intersections entre les deux triangles de la figure de base (voir figure 8, ci-dessous).
Dans le cas du réseau ad quadratum, ce sont les points d’intersection entre les diagonales des carrés premiers et les côtés des carrés rétrécis qui définissent les droites recherchées (voir figure 9, ci-dessous).
Superposition et complexification
Le rétrécissement et la division étant tracés et superposés, l’on obtient le réseau « fondamental » complet (voir figure 10, ci-dessous, pour le réseau ad triangulum).
Ce réseau peut être employé tel quel ou bien être complexifié et complété, toujours selon le même principe fondamental que nous avons énoncé en préambule. Que ce soit par tracé de cercles, d’arcs de cercles ou de droites (voir, à titre d’exemples « simples », les figures 11 et 12, ci-dessous), la complexification du réseau fondamental est en effet nécessaire dans le cadre des utilisations architecturales. C’est d’ailleurs cette complexification qui est à l’origine du fait que, pour un plan d’édifice donné, il est possible à plusieurs chercheurs contemporains de trouver des « tracés harmoniques » différents : aucun n’est totalement faux mais aucun n’est véritablement authentique ! Cette remarque est particulièrement appropriée en ce qui concerne l’importance réelle du « Nombre d’Or » dans la question des tracés architecturaux car, procédant d’un rapport simple (la semi-diagonale + le demi-côté du carré), il est quasi inévitable qu’il apparaisse dans un tracé complexe ad quadratum lors même qu’il n’y a pas été volontairement introduit par le dessinateur.
Au sujet des aspects symboliques
Si la documentation graphique sur le réseau fondamental est relativement abondante et si l’on sait qu’il jouait un rôle dans les rites de la Bauhütte, son symbolisme et sa signification ésotérique ne semblent cependant pas avoir fait l’objet de divulgations précises.
Cette situation relève moins de la volonté de préserver le secret que du fait que la mentalité du milieu considéré est étrangère à cette nécessité analytique et classificatrice — caractéristique de la mentalité moderne. De plus, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, une partie essentielle du Trait n’était pas systématiquement communiquée à tous les tailleurs de pierre et l’on peut même dire qu’elle ne concernait qu’une minorité. Or, comme l’on pouvait s’y attendre, c’est bien évidemment cette partie qui contient de manière relativement « explicite » de fort intéressantes perspectives ésotériques. Mais il s’agit moins d’un corpus d’interprétations que de la méthode d’acquisition d’une autre « vision » des choses. Car si divers éléments rituels et symboliques viennent souligner ou indiquer telle ou telle perspective, il n’existe pas chez les opératifs de « doctrine » — au sens d’exposé discursif et systématique — quant à la signification exacte et intégrale du Trait. Sa nature est telle qu’il contient en lui-même son « mode d’emploi » et c’est donc à l’usage que sa signification exacte se révèle.
C’est là ce qui distingue fondamentalement la véritable « opérativité » des anciens de la « spéculativité » des modernes : rien ne saurait remplacer et traduire en mots la « transformation » réelle qui s’opère, lentement mais sûrement, chez celui qui, chaque jour, d’un geste de plus en plus précis et dénué de calcul, trace puis taille. C’est aussi l’œuvre qui façonne l’ouvrier, c’est-à-dire que, étant employés chaque jour et sans « spéculation », ces tracés dévoilent peu à peu leur lumière, selon les capacités et les nécessités de chacun — car il est inutile de donner à boire à l’âne qui n’a pas soif. L’on conçoit de ce fait pourquoi, malgré sa simplicité « enfantine », c’est le tracé lui-même qui constitue « le » secret.
Ainsi que nous l’avons souligné en préambule de l’exposé des opérations graphiques élémentaires, le tracé du réseau fondamental situe celui qui l’exécute « justement » ab initio, c’est-à-dire qu’il reproduit les gestes du Grand Architecte créant le Ciel et la Terre. Cette analogie, si l’on se réfère à ce qui vient d’être noté, est beaucoup plus qu’intéressante ou conforme avec ce que l’on peut théoriquement comprendre de l’Art traditionnel : elle est pour l’initié une réalité pleine et entière — ou, plus exactement, potentiellement telle.
Nous avons souligné que le principe sur lequel repose le réseau fondamental est celui de l’Harmonie entre les parties et l’ensemble. Tout l’ésotérisme des Compagnons tailleurs de pierre repose en fait sur le constat de cette Divine perpendiculaire unissant intimement et sans solution de continuité l’initié au Grand Architecte.
Une chanson, concernant les Compagnons Passants tailleurs de pierre français, illustre à merveille cette proximité ; il y est dit que « leur Devoir est bien mystérieux pour que, sitôt morts, ils montent droit aux Cieux ». Ce qui pourrait passer pour de l’orgueil n’est en fait que le simple et objectif constat qu’il existe là une véritable échelle de Jacob et que le chemin du « retour » est tout tracé pour celui qui connaît parfaitement celui de la « descente ».
Quant au « plus noble et le plus juste fondement de la taille de la pierre » — cette pierre brute sur laquelle est posée l’échelle et qui, correctement taillée, est la pierre de fondement du retour — un dicton, provenant de la Bauhütte, dit, en forme de « rappel » qui n’est pas seulement d’ordre mnémotechnique :
« Un point qui va dans le cercle,
« Qui est dans le carré et le triangle :
« Connais-tu le point, alors tout est bien ;
« Ne le connais-tu pas, alors tout est vain. » [29]
Bien évidemment, ce point désigne le centre par excellence, celui qui génère le cercle, le carré et le triangle, et non — bien que, d’un certain point de vue, ce soit le même — un centre quelconque, celui qu’il est possible de calculer après coup pour tel cercle, carré ou triangle. C’est, pour celui qui trace et qui taille, le point d’intersection entre le plan horizontal (le Monde manifesté) et la (Divine) perpendiculaire, la rose au centre de la croix, le lieu de son propre cœur où est planté la pointe du compas. Tel le Graal, ce centre génère à profusion ; il est manifesté (puisque manifestant), puis caché, puis, par les voyages — c’est-à-dire la définition du périmètre et de ses diagonales — ré-vélé. Il est véritablement l’Alpha et l’Oméga.
Pour l’opératif, le but est donc de réaliser par le tracé (le compas) et par le travail (l’équerre) l’union parfaite entre le Ciel et la Terre, la juste mesure (la règle).
Une célèbre gravure du Traité de l’Azoth attribué à Basile Valentin en fournit une illustration provenant d’ailleurs probablement des Compagnons tailleurs de pierre [30]. Dans l’ove [31] et encadré par les sept planètes se tient le Rebis terrassant le chaos (la première matière), symbolisé par le dragon enserrant partiellement le microcosme. Ce dernier est figuré par un cercle ailé contenant une croix, un carré et un triangle équilatéral — c’est-à-dire les principes des réseaux fondamentaux ad triangulum et ad quadratum. Le Rebis est un personnage mi-homme mi-femme et il tient deux [32] des instruments formant l’emblème de l’Art Royal, le compas et l’équerre.
Pour conclure ces brefs aperçus, nous ajouterons que, ainsi que Grandidier [33] et Rziha l’indiquent discrètement, les aspects rituels et symboliques qui encadrent cet élément « central » qu’est le « plus noble et le plus juste fondement de la taille de la pierre » des Compagnons tailleurs de pierre de la Bauhütte sont en définitive assez proches de ceux que véhiculent aujourd’hui encore les Maçons spéculatifs. Ce qui a été « perdu » n’est pas tant une « parole » que le Verbe… sachant que, précisément, celui-ci est Architecte.
Jean-Michel Mathonière
NOTES
Note 1. Dans le cadre de ce bref article, nous ne dresserons pas la bibliographie, même succincte, de ces publications. La plus célèbre d’entre elles, d’un intérêt au demeurant incontestable bien qu’il soit nécessaire d’émettre des réserves et qu’elle date un peu, est celle de Matila Ghyka, Le Nombre d’Or, éd. NRF, Paris, 1931, 2 volumes. Cet ouvrage est l’un des rares à envisager la question à la fois sous l’angle historique et du point de vue symbolique, et à la traiter avec le minimum de rigueur que l’on est en droit d’attendre. Il est d’ailleurs à noter que la source que nous explorons ici, la Bauhütte, y occupe une place importante.
Note 2. Le terme est commode mais ne repose sur aucune dénomination traditionnelle. D’autres qualificatifs (ésotérique, harmonique, etc.) sont également employés par les chercheurs, mais ils ne recouvrent pas mieux la réalité exacte de la question. La mentalité moderne éprouve le besoin de placer en opposition l’aspect rationnel et l’aspect symbolique, mais, ainsi que nous le mettons en évidence à la fin du présent article, il s’agit tout simplement de la Géométrie, cinquième Art libéral des anciens, synonyme de Maçonnerie dans les Olds Charges.
Note 3. Ainsi que nous le précisons plus loin, la section dorée – expression graphique du Nombre d’Or – procède de tracés antérieurs et, de ce fait, doit être regardée comme « secondaire » du point de vue de l’ordre de la manifestation. Bien évidemment, l’on peut aussi considérer que ce qui « apparaît » à un moment donné du tracé « existe » déjà et donc que, sur le plan supérieur, cela peut occuper une position hiérarchique plus élevée. C’est en ce sens que cette proportion peut légitimement être qualifiée de « Divine ». Cependant, il convient de ne pas perdre de vue que la vocation du bâtisseur n’est pas de « tuer » cette proportion en la figeant dans la matière (cf. l’exemple de Le Corbusier et de son « Modulor »), mais de la faire « naître » et de la rendre pour ainsi dire vivante. Nous ajouterons que, les tracés antérieurs concernant le Ciel et la Terre, la Divine proportion concerne l’Homme et que, de même que ce que René Guénon souligne à propos de la Grande Triade, il existe une double hiérarchie, l’une étant celle de la manifestation, l’autre étant celle du « retour » : Ciel-Terre-Homme et Terre-Homme-Ciel. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, la position du Ciel ne change pas, c’est-à-dire que le réseau qui lui est attaché reste « le plus noble ».
Note 4. Cf. Luca Paccioli, La Divine Proportion, trad. fr., Paris, Librairie du Compagnonnage, 1980. Il s’agit du premier grand traité sur la question, s’adressant tout autant aux mathématiciens qu’aux artistes (dont les tailleurs de pierre). Sur les aspects traditionnels de la question, cf. Jacques Thomas, La Divine proportion et l’Art de la Géométrie ; études de symbolique chrétienne, coéd. Archè/La Nef de Salomon, Milan-Dieulefit, 1993.
Note 5. La Bauhütte a fait l’objet, depuis le début du XIXe siècle, d’un nombre important de publications en langue allemande.
Note 6. L’édition originale de l’étude de Rziha date de 1881-1883. La traduction française est accompagnée de notes de Marco Rosamondi (coédition Trédaniel/La Nef de Salomon, Paris-Dieulefit, 1993).
Note 7. Les dernières lignes de l’ouvrage de Rziha sont particulièrement significatives quant à cette probable affiliation à la Bauhütte. Parlant de la nécessité à laquelle répond son travail, il dit : « Je pense enfin, qu’en tant que membre d’une association de constructeurs, j’aurai accompli un devoir pieux envers ceux de nos prédécesseurs qui ont préservé l’art de bâtir au cours des temps difficile du Moyen-Age et que nous devons honorer pour leurs créations dignes d’admiration ! Du temps où la Bauhütte germanique connaissait son apogée, celui de la construction des cathédrales gothiques dont la splendeur nous pousse à les restaurer pour les générations futures, le cœur de la confrérie des pieux tailleurs de pierre se trouvait à Strasbourg. Aussi ne saurais-je clore mon travail qu’en reproduisant le sceau de cette loge entre les loges. » Les termes employés manifestent beaucoup plus que la légitime admiration du chercheur. Il s’agit ni plus ni moins d’une dédicace à la Bauhütte et d’un imprimatur scellé du sceau de la Grande Loge Suprême de Strasbourg ! Rziha joue nettement sur le double sens et, en l’occurrence, l’association de constructeurs dont il se dit membre a fort peu de chances d’être celle des ingénieurs de sa promotion…
Note 8. Matthias Roriczer, Büchlein von der Fialen Gerechtigkeit (Livret de la rectitude des pinacles), Ratisbonne, 1486. Cf. le tracé du pinacle et l’analyse du procédé in Roland Recht, Le dessin d’architecture, origine et fonctions, éd. Adam Biro, Paris, 1995, pp. 91-95 et p. 113. Une « traduction » partielle a été publiée dans l’ouvrage de Friedriech Hoffstadt, cité plus loin.
Note 9. Cf. Roland Recht, op. cit., pp. 104-105.
Note 10. Cf. Roland Recht, op. cit. L’on possède des plans où apparaissent encore les traces du dessin du réseau fondamental.
Note 11. Cf. l’excellente traduction et les analyses de Jeanne Peiffer dans : Albrecht Dürer, Géométrie, éd. du Seuil, Paris, 1995.
Note 12. Il est d’ailleurs curieux de noter que Rziha ne cite pas Hoffstadt, lors même que deux figures illustrant ses « Études » (p. 26 de l’éd. française) proviennent directement ou indirectement de son livre, célèbre à l’époque et qu’il pouvait difficilement ignorer.
Note 13. Plusieurs articles des règlements de la Bauhütte concernent l’obligation de ne pas révéler aux profanes les connaissances relatives à la taille de la pierre, tout particulièrement les tracés (cf. Rziha, op. cit.).
Note 14. Il s’agit en fait de pratiques qui relèvent davantage de l’Ars memorandi – dont on ne saisit pas vraiment à l’heure actuelle toute l’importance dans la symbolique et le rituel – que de la mnémotechnie au sens strictement pratique.
Note 15. Cf. Rziha, op. cit., p. 64. [retour au texte]
Note 16. Il est possible aux membres de telle ou telle organisation compagnonnique de savoir de quoi il retourne et, éventuellement, d’en reconnaître ou d’en affirmer l’existence, mais le respect du serment fraternel rend impossible la fourniture de preuves documentaires.
Note 17. Cf. la préface de Roland Bechmann à l’édition française de Rziha, op. cit.
Note 18. Il est cependant à noter que la figure de la planche à tracer des Maîtres, donnée comme étant la clef de l’écriture secrète des Maçons, est en réalité un tracé « fondamental ». Mais ce tracé est principalement relatif à l’implantation d’un bâtiment sur le terrain et à sa vérification par les diagonales, processus qui se rencontre à nouveau lors de la cérémonie de consécration des églises, et non à la conception du Plan. Néanmoins, il est également permis d’y voir le schéma du Plan fondamental de la Jérusalem Céleste.
Note 19. Les éléments concernant la géométrie dans les « révélations » de Clement Stretton n’apportent rien de véritablement capital sur la question, bien que la distinction nettement faite entre « arch » et « square » (ce qui est relatif au compas/triangle/cercle ou à l’équerre/carré) prêche en faveur de l’existence et d’une relative authenticité des sources opératives de Stretton. [Addenda 2002 : il a été depuis démontré par Bernard Dat que Stretton s’est livré à une « forgerie »]
Note 20. Joy Hancox, The Byrom Collection ; Renaissance thought, the Royal Society and the building of the Globe Theatre, éd. Jonathan Cape, Londres, 1992. L’ouvrage n’est pas celui d’une spécialiste des questions maçonniques et hermétiques ; il souffre donc d’approximations mais il contient une bonne iconographie et, surtout, quoiqu’il en déplaise à certains « spécialistes » des questions opératives, il ouvre d’intéressantes perspectives. Il serait cependant important de voir cette collection de 516 dessins intégralement reproduite et étudiée par des personnes compétentes.
Note 21. Voir l’exemple de la découverte récente d’une grande partie des archives des Compagnons Passants tailleurs de pierre d’Avignon… aux Archives Départementales du Vaucluse et dans les réserves du Museon Arlaten (Arles). Une partie de ces documents était noyée dans un ensemble de dossiers relatifs aux confréries religieuses, tandis qu’une autre avait été correctement identifiée mais attendait simplement la curiosité des chercheurs. Ces documents ont été publiés et analysés par Laurent Bastard et Jean-Michel Mathonière, Travail et Honneur ; les Compagnons Passants tailleurs de pierre en Avignon aux XVIIIe et XIXe siècles, éd. La Nef de Salomon, Dieulefit, 1996. Cependant, les documents en question ne contiennent rien sur les tracés, bien que le frontispice du Rôle de 1782 fasse explicitement référence à l’importance de la Géométrie. Nous en profiterons pour signaler au passage que c’est dans ce document que figure, en position dominante, la plus ancienne représentation compagnonnique actuellement connue de l’étoile flamboyante avec la lettre G, un symbole important de la Maçonnerie spéculative qui se réfère indiscutablement à la Géométrie.
Note 22. Ce principe vaut pour d’autres fraternités de tailleurs de pierre que la Bauhütte.
Note 23. D’après le témoignage offert par le « carnet » de Villard de Honnecourt, le terme « Trait », à l’époque médiévale, désigne tout simplement le dessin. Dans la pratique compagnonnique contemporaine, le terme de « Trait » sert surtout à désigner la géométrie descriptive, c’est-à-dire la technique permettant de tracer tous les détails d’un corps à leur véritable grandeur. Cette discipline où brillent particulièrement les Compagnons charpentiers comporte des astuces (ou « secrets »), c’est-à-dire des raccourcis ou des approximations largement suffisantes pour les fins pratiques auxquelles elles sont appelées à servir. Mais ce terme ou celui de « chiffre » sont également quelquefois employés dans le sens de géométrie « ésotérique ». Le cas est donc en fait similaire à celui du vocabulaire de la Bauhütte concernant le réseau fondamental. Dans le contexte de notre article et conformément à nos propres sources, nous employons « Trait » pour désigner l’aspect ésotérique des tracés.
Note 24. Il est d’ailleurs à noter que l’ensemble des dessins de Franz Rziha en comporte la figuration, tant dans les planches de marques que dans l’exposé des principes graphiques les régissant, et que l’auteur, pourtant très complet et très précis dans ses explications, n’en justifie à aucun moment la présence « inutile ». Cette omniprésence du cercle et son absence d’explication constituent l’un des nombreux indices du fait que Rziha n’est jamais que « l’exécuteur testamentaire » de la Bauhütte germanique, c’est-à-dire que son ouvrage n’est pas tant le résultat de recherches et de découvertes personnelles mais celui de connaissances acquises directement auprès des Compagnons tailleurs de pierre – connaissances que, face au déclin de leur fraternité, ils ont pu souhaiter préserver de l’oubli.
Note 25. On notera au passage que ces réseaux sont désignés non par le nom du polygone créé mais par celui de la figure géométrique qui en est le « principe » (triangle ou carré).
Note 26. Au Proche-Orient, c’est souvent l’octogone étoilé qui est désigné comme étant le « sceau de Salomon ». Il est intéressant de noter également que c’est généralement cette figure qui occupe le centre des zelliges (les mosaïques géométriques) et qu’elle porte alors, au Maroc, le nom de « Cœur ». Cependant, l’hexagone étoilé est lui aussi fréquemment désigné sous le nom de « sceau de Salomon » et il est, de même que l’octogone étoilé, omniprésent dans l’art traditionnel du judaïsme et de l’Islam (cf. le catalogue de l’exposition, King Solomon’s Seal, qui s’est tenue au « Museum of the History of Jerusalem » en 1996).
Note 27. Auteur d’une traduction allemande de Vitruve au XVIe siècle, cité par Rziha.
Note 28. Cf. Études sur les marques au quatre de chiffre, éd. La Nef de Salomon, Dieulefit, 1994. Ce recueil contient la réédition d’une étude de Paul Delalain, Au sujet du chiffre quatre dans les marques d’imprimeurs et de libraires (E.O. 1892), la réédition d’une étude de Léon Gruel, Recherches sur les origines des marques anciennes qui se rencontrent dans l’art et l’industrie du XVe au XIXe siècle par rapport au chiffre quatre (E.O. 1926), et une étude complémentaire de Jean-Michel Mathonière, Remarques à propos du « Quatre de chiffre » et du symbolisme géométrique dans les marques de métiers.
Note 29. Cf. Rziha, op. cit., p. 56. Matila Ghyka, op. cit., donne une version légèrement différente qui insiste nettement sur l’aspect sotériologique du Trait : « Un point qui se place dans le cercle, qui se trouve dans le carré et dans le triangle : si vous trouvez le point, vous êtes sauvés, tirés de peine, angoisse, danger » (vol. 1, p. 72).
Note 30. Cette figure contient en effet un détail renvoyant explicitement à la partie non divulguée du Trait à laquelle nous avons fait allusion.
Note 31. Le tracé exact de l’ove fait bien évidemment appel au « juste fondement ». Là encore, l’importance du triangle équilatéral est considérable. Il est à noter qu’il s’agit ici de l’ove inversée, c’est-à-dire, tel l’œuf de Christophe Colomb, posée sur la pointe.
Note 32. Le troisième instrument est la règle, « perdue » pour ce qui est de l’emblème de l’Ordre mais qui figure encore dans la symbolique maçonnique, en particulier au degré de Compagnon – l’Apprenti se présentant pour l’augmentation de salaire avec cet instrument… qu’il n’a jamais vu. L’emblème en question – compas, règle et équerre entrecroisés – est commun à la Maçonnerie et à la majeure partie des Compagnonnages continentaux.
Note 33. Abbé Grandidier, Essai historique et topographique sur la cathédrale de Strasbourg, Strasbourg, 1782. Quelques pages, sous la forme d’une curieuse « planche » intitulée « Esquisse du travail d’un profane », traitent de la Bauhütte. Il s’agit de la première publication sur la question en langue française. L’auteur avait en main les archives de la Grande Loge Suprême de Strasbourg, « disparues » depuis – mais après être passées entre les mains de divers architectes et érudits allemands du XIXe siècle, dont Sulpice Boisserée, l’architecte qui acheva, sur la base des tracés anciens, la construction de la cathédrale de Cologne. Grandidier voit dans la Bauhütte l’origine de la Maçonnerie spéculative, point de vue qui est bien évidemment critiquable mais certainement pas, comme le font les modernes, à rejeter purement et simplement. Les quelques points qu’il dévoile prêchent effectivement en faveur de l’existence d’un substrat commun aux deux organisations.
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