Illustration : blason des compagnons Étrangers tailleurs de pierre sur un règlement exposé au Musée du Compagnonnage de Tours, cliché J.-M. Mathonière 2008.

Vous vous souvenez sans doute de la prodigieuse découverte documentaire que j’ai annoncée lors du 4e Congrès mondial sur le fraternalisme à la Bibliothèque nationale de France le 11 juin 2022, celui d’un manuscrit des règles des compagnons Étrangers tailleurs de pierre, la société rivale de celle des Passants, faisant état d’une assemblée générale ayant eu lieu le 2 mai 1680 à Dijon, et contenant leur rituel de réception. C’est l’édition commentée de ce document qui forme le n° 203 de la revue Renaissance Traditionnelle tout entier consacré à ces « nouvelles lumières » sur les rites de réception des compagnons tailleurs de pierre.

Ce document appartenait à un petit ensemble de pièces manuscrites proposées à la vente par un bouquiniste de Montpellier, ensemble que j’avais acquis avec quelques compagnons amis intéressés par l’histoire compagnonnique. Pourtant interrogé en ce sens, le vendeur avait simplement omis de nous préciser qu’à la même période, il avait vendu un autre ensemble de documents concernant les mêmes compagnons Étrangers tailleurs de pierre à un autre acheteur ! Heureusement, j’ai récemment pris connaissance du fait que c’étaient les Archives départementales de l’Hérault qui avaient fait cette acquisition et j’ai donc pu aller les consulter.

J’ai donc aujourd’hui l’immense joie de vous informer que ces deux ensembles se complètent parfaitement et que j’ai donc commencé l’étude du Livre des règles des jolis compagnons Étrangers tailleurs de pierre de Montpellier et de sa liste des passages et réceptions entre 1755, date d’arrivée de ce livre de règles dans la ville, et l’Ascension 1855, date de la dernière réception notée comme ayant eu lieu à Montpellier. Les documents conservés par les AD34 sont deux cahiers formant le livre des règles (première partie du premier cahier) et la recension des passages et réceptions (seconde partie du premier cahier et second cahier), ainsi qu’un feuillet donnant la reconnaissance entre Étrangers et Gavots, datant de vers 1802 et doublon d’un des documents déjà en notre possession (publié dans RT n° 203, p. 219-221).

Le livre des règles est la version complète du fragment dont j’avais donné l’édition dans Renaissance Traditionnelle (p. 180-191). Il est plus tardif (1754-1755 certainement) et compte 29 pages manuscrites, d’une écriture plus serrée que celui déjà étudié. Quelques différences se remarquent dans les parties communes, c’est-à-dire les premières règles (qui comprennent la réception, identique dans ses grandes lignes), notamment dans l’intitulé : « Braves compagnons » dans la version plus ancienne, « Jolis compagnons » dans celle du milieu du XVIIIe. Des règles sont consacrées à l’assemblée ordinaire du premier dimanche du mois, à la réception du Premier Compagnon, du Rouleur, à la Mère, etc. Il se termine par la règle des amendes, ce qui est logique alors que le texte plus ancien traitait de cette question à la fin de son préambule, ce qui est un indice de son archaïsme. Ces règles donnent une image précise de nombre des traditions des compagnons Étrangers tailleurs de pierre de cette époque et leur étude détaillée s’avère passionnante.

La liste des passages et réceptions s’avère quant à elle extrêmement riche : plusieurs centaines de noms de compagnons y figurent, la majorité comportant l’état civil « profane » et la mention de la date et du lieu de la réception. Le traitement en base de données s’avérera très profitable pour tous les chercheurs, pas seulement les généalogistes qui seront évidemment comblés.

Ajoutons pour conclure qu’entre les mentions des passages se rencontrent quelques autres indications intéressantes, dont par exemple la mention le 2 décembre 1793, l’an II de la République française, d’une crainte concernant les « antiquités de tous genres » recherchées de manière pressante (on suppose par les Révolutionnaires sous la Terreur) et amenant les compagnons à cacher quelque temps leurs livres, un bouquet avec ses couleurs fleuries appartenant à un compagnon, ainsi que le crucifix (servant aux réceptions).

Bref, encore de belles publications en vue !

Nota : le n° 203 de la revue Renaissance Traditionnelle est disponible directement auprès de la revue via cette adresse internet : https://rt.fmtl.fr/num%C3%A9ros/203

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